Le Québec et la pratique infirmière avancée
Le rôle de l’infirmière praticienne spécialisée se retrouve au coeur d’une stratégie de changement dans un système de santé. Le Québec est désormais la seule province au Canada qui n’utilise pas cette ressource de façon optimale. L’infirmière praticienne spécialisée (IPS) pourrait faire tellement plus si on lui accordait, comme dans les autres provinces canadiennes, un plein droit d’exercice. Elle possède le niveau de formation théorique et clinique le plus élevé au Canada ainsi que les compétences et l’expérience lui permettant d’assurer des services de qualité et sécuritaires.
Alors, pourquoi 14 ans après avoir légalisé cette pratique au Québec, dans le but de désengorger le système de santé, l’IPS du Québec, n’a toujours pas le droit, entre autres, de formuler les diagnostics, les annoncer à ses patients et amorcer le traitement approprié sans avoir à consulter un médecin au préalable ? (OIIQ, 2013 : 3)
Pourquoi ne peut-elle pas référer aux médecins spécialistes, remplir les attestations de santé de ses patients et leur donner le congé hospitalier ?
Le maintien d’une pratique constante sous tutelle médicale prolonge inutilement les délais de traitement et de suivi. Il s’avère coûteux et inutile. Ce sont les patients, les intervenants de la santé et les médecins qui en écopent par l’absentéisme répété au travail ou à l’école pour les patients, la lourdeur de la gestion clinique pour les intervenants dont les infirmières praticiennes et les médecins. Finalement, cela continue de réduire l’accessibilité aux services par le dédoublement des interventions.
L’IPS travaille en collaboration avec un ou plusieurs médecins partenaires en signant une entente formelle. Ceux-ci sont, pour plusieurs, en accord avec la nécessité d’élargir le champ de pratique de l’IPS estimant que l’accès aux soins en sera amélioré et que les délais relatifs à la prise en charge de la clientèle seront réduits considérablement.
L’année 2017 s’avère déterminante pour l’IPS du Québec puisque le Règlement qui régit sa pratique est en révision pour une première fois depuis 2005. Des travaux sont en cours et réalisés principalement par le Collège des médecins du Québec (CMQ) et l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ), sous la gouverne de l’Office des professions du Québec.
L’Association des infirmières praticiennes spécialisées du Québec (AIPSQ), la voix des IPS du Québec, demande au CMQ et à l’OIIQ de s’entendre, afin d’optimiser l’utilisation des compétences de l’IPS pour le bien de la population. Des recommandations spécifiques leur ont été soumises par l’AIPSQ dans un mémoire, à cette fin. (Nadeau, 2017: en ligne). Il est temps d’agir. Le contexte du vieillissement de la population et la prévalence des maladies chroniques l’exigent!
D’ailleurs, le Regroupement provincial des comités des usagers ainsi que d’autres instances ont fait savoir qu’ils appuient l’évolution des pratiques dont celle de l’infirmière praticienne. (RCPU, 2017). Les syndicats, le ministre de la Santé et même l’opposition s’entendent pour dire que les IPS peuvent faire plus pour la population du Québec. Que faut-il encore ajouter pour offrir un service optimal et à la hauteur des attentes des québécois et québécoises? Peut-on enfin potentialiser l’utilisation des compétences des intervenants du réseau de la santé dont l’IPS ?
Avec le niveau académique le plus élevé au Canada, mais le champ de pratique le plus restreint en Amérique du Nord, l’OIIQ et le CMQ doivent actualiser le Règlement des infirmières praticiennes spécialisées, non seulement pour offrir à la population québécoise les services auxquels elle a droit, mais aussi dans l’optique d’assurer la pérennité de leur rôle. Accordez-nous enfin un règlement qui reflètera la réalité de la pratique actuelle, augmentera la fluidité et l’accessibilité des services; un Règlement à la hauteur de ce que le Québec peut offrir! L'heure est propice à l'action! Les IPS du Québec peuvent procurer à la population des services équivalant à ceux offerts dans les autres provinces du Canada. Le Québec ne mérite rien de moins! Nous, IPS, sommes prêtes à exercer ce pourquoi nous avons été formées, et ce, sur-le-champ! C’est maintenant ou…dans dix ans !
Christine Laliberté
Présidente de l’AIPSQ